L’homme au mégaphone semble heureux d’être sur terre et d’y voir clair. Surtout qu’il peut, en plus, voir de haut et dans les coins, sous tous les angles sans bouger de sa chaise, grâce à un énorme machin futuriste (Supertechno de son petit nom) qui trimballe la caméra Panavision là où il veut et lui renvoie l’image sur un monitor. Vêtu d’amples pantalons beiges, d’une chemise, veste et grosses chaussures noires, sans oublier son éternelle casquette à long bec de même couleur, l’homme attend calmement que tout soit prêt en fumant des cigarettes. Il a son équipe, il a ses acteurs, le soleil est de la partie (le vent aussi, ce qui n’est pas pour lui déplaire, contrairement à l’équipe), et il se trouve à double titre dans son élément: sur un tournage, et dans une banlieue de la San Fernando Valley où les maisons sont aussi banales et identiques que les sandwichs au poulet qu’on lui apporte tous les jours à l’heure des repas. David Lynch, puisque c’est lui, est sans doute le seul cinéaste qui songerait à amener un Superbouzin de guerre des étoiles pour tourner dans une maison bassement résidentielle d’un beige désolant qui va avec le break Ford Country Squire garé devant, sans parler de ses pantalons. Et encore, pour l’instant, on est devant cette horreur climatisée. Un peu plus tard, il réglera un ballet aérien dans un backyard banlieusard grand comme deux tables de billard.
Mais David Lynch surfe littéralement sur son énergie. Il prend tellement son pied à filmer enfin,