Déjà, Pierre Bergé, quand il était aux affaires lyriques, projetait
d'inscrire Billy Budd au répertoire de l'opéra Bastille. De son fauteuil central au parterre de la salle, le président d'honneur a pu, mercredi soir, à la première représentation, voir son voeu exaucé. Et sans remords: Billy Budd, adapté musicalement de Melville par Benjamin Britten, est l'opéra-type, construction remarquable usant de tous les moyens lyriques pour déployer son récit. L'histoire du marin William Budd, innocent et coupable à la fois, victime et meurtrier, joue du choeur des hommes qui peinent et des solos de celui qui rêve, des récits et de l'action, du contraste entre le feu qui couve au premier acte et de l'incendie au second, des face-à-face vocaux entre baryton et basse, des thèmes récurrents et des ruptures dans l'instrumentation...
La richesse est indéniable, mais elle est aussi, d'une certaine façon, un piège. Musicalement, l'abondance, mais aussi la complexité, demandent qu'on les canalise, ce que le chef d'orchestre Gary Bertini n'a peut-être pas encore réussi, trop fiévreux, précipité, notamment dans le premier acte où l'enchaînement des situations le bouscule manifestement, mais aussi à la fin de l'ouvrage. Car Billy Budd, quelle que soit l'interprétation qu'on en donne, est un ouvrage distendu, il est entre parenthèses, encadré par le récit du commandant Fairfax Vere. C'est un flash-back douloureux: cette déformation de la perception devrait être sensible, et pas seulement dans les é