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Libération

Le journal d’un Cure de campagne

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Le retour discographique et scénique triomphal du groupe anglais majeur.
publié le 4 mai 1996 à 5h38

Fausse impression pour commencer. A la fin de l’hiver, Robert Smith paraît détendu. En cheveux, à peine maquillé, presque mince, flottant dans un pull noir aux mailles fatiguées, il reçoit dans un manoir qu’Henry VIII, pour abriter une fille illégitime, fit construire entre les champs escarpés et les talus de pierre à l’ouest de l’Angleterre. La campagne tirée au cordeau est ouverte à tous les vents. «D’ici on peut voir venir», sourit le stratège de Cure. C’est un soir glacial. Il parle à voix feutrée dans la pénombre absurdement gothique de la salle à manger. La table semble dressée pour un repas d’un autre siècle. D’un haut chandelier, la cire coule sur le plancher. Il s’en amuse. Conversation relâchée, plaisante, dépourvue de gravité, humeur badine.

A l'époque, sur la foi de six titres que la production n'a pas encore modelés, on imagine que le dixième album studio de The Cure sera ainsi fait: exercice léger et sans histoire, entre deux eaux comme Smith est entre deux âges, fin de règne en roue libre, confort royal comme en cette demeure de nouveau riche où, par beau temps, le groupe joue au tennis et bâille aux corneilles. Et puis, peu après notre départ, branle-bas de combat: crise de nerfs. Robert Smith annule tous les rendez-vous, ne veut plus parler à personne. Saute d'humeur ordinaire en apparence, préoccupante en vérité. Il n'arrive pas à finir l'album. Qui est en chantier depuis plus de deux ans. Qu'il a recommencé trois fois déjà.

L’ambiance dans le manoir d