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Libération
Interview

«A cause de cette lâcheté que nous vivons»Pour la cinéaste, on agit trop souvent comme son personnage, Pabst, «ce professeur qui renonce».

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publié le 14 mai 1996 à 5h42

D'où vous est venue l'envie d'adapter «Jeunesse sans Dieu», le roman

d'Ödön von Horvath?

D'abord, parce que mon film précédent, les Amoureux, était très personnel, et que je n'avais plus envie de faire un roman à la première personne. Je préférais aller là où l'on ne m'attendait pas et où moi-même je ne m'attendais pas. Mais ce qui m'intéressait dans le roman, c'était le côté glauque de la lâcheté, cette lâcheté que nous vivons nous-mêmes au quotidien. On est au courant de ce qui se passe partout, on fait en permanence des réflexions sur le monde, sur l'époque, mais on ne fait plus rien, à part en discuter. Je voyais la même attitude chez ce prof qui se rend compte des choses, mais qui ne fait rien et n'intervient surtout pas. Il n'a même pas le respect de ses élèves, il ne pense qu'à lui et à sa sécurité, il démissionne tout de suite. Il n'a même plus envie d'enseigner.

Croyez-vous que les jeunes élèves du professeur Pabst ont une réelle liberté de penser pour refuser l'idéologie nazie?

Il y a des gens qui ont résisté et qui n'étaient pas dans le moule. Mais la plupart de ces garçons, cultivés, de la classe moyenne, adhèrent aux idées les plus simples et les plus extrémistes. La preuve que les tortionnaires n'étaient pas forcément des brutes incultes. Ce qui est grave, c'est la démission des adultes qui ont eu conscience de certaines choses et qui ont laissé faire. C'est comme les conducteurs des trains, ils faisaient leur boulot, ou les cultivateurs qui travaillaient près des