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Libération
Critique

Sellars déchaîne l'oratorio de Haendel.A Glyndebourne, l'Américain livre un «Theodora» cinglant et bouleversant. Theodora, de Haendel, les 24 et 26 mai, les 1er, 3, 9, 12, 15, 17 et 21 juin; à Glyndebourne, Grande-Bretagne, tél.: (19) 44.1273.813813.

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publié le 23 mai 1996 à 5h17

Glyndebourne est bon public, on ne s'y attarde pas en ovations, mais

on n'agresse jamais non plus le metteur en scène à l'issue d'une représentation. Peut-être les références appuyées de Peter Sellars à l'Amérique (Coca, armes de guerre et exécution capitale par injection) ont-elles dissuadé les spectateurs de se sentir mis en cause. Et puis tout de même, c'est du Haendel.

Justement. Peter Sellars vient sérieusement écorner une approche ­ presque une tradition ­ britannique, qui ravage ce répertoire depuis une dizaine d'années. A la suite peut-être d'un Nicholas Hytner, la tendance s'est imposée de tabasser les opéras de Haendel comme des punching-balls. On gardait les costumes mais on installait des chaises longues, on faisait du Benny Hill lyrique en s'enthousiasmant des contre-ténors retrouvés: ces ouvrages sont d'un formalisme pompeux, mais la musique est sublime.

Et quand Bruxelles et Nanterre avaient produit son Jules César, il avait été tentant d'associer Peter Sellars à cette tendance gag; son langage scénique y poussait, radicalement élaboré sur l'Amérique d'aujourd'hui, sans pitié pour les attributs du pouvoir (gardes du corps, jogging et téléphone portable), détonnant dans le paysage. Ce n'est qu'après, au fil d'oeuvres différentes (Saint François d'Assise d'Olivier Messiaen!), qu'on a relativisé la dimension «joyeux luron» de Peter Sellars. Et si le metteur en scène revient à Haendel aujourd'hui, c'est en prenant encore plus de distance. Il ne s'agit plus d'opéra s