L'exposition du musée d'Orsay va-t-elle enfin permettre aux Français
de rencontrer Menzel? On peut en douter. L'oeuvre du peintre berlinois présente des aspects si contradictoires de l'activité artistique que tout effort de l'identifier tantôt comme «réaliste» tantôt comme «pré-impressionniste» est voué à l'échec. L'art de Menzel est étranger à celui que pratique un Courbet ou à celui d'un Degas qui fut pourtant un des rares artistes français à l'admirer. Des critiques d'art comme Duranty, Jules Laforgue et Louis Gonse ont su voir pourtant la singuralité de son génie en un temps où la peinture allemande recevait un accueil mitigé en France.
Les autoportraits de Menzel ou les photographies qui le représentent montrent une sorte de Caligari sorti de son cabinet afin d'épier le monde de ses yeux terribles. Un visage peu avenant: deux billes de mica, cerclées du métal de ses lunettes, auxquelles s'ajoute une moue distante. Son regard ne cherche pas tant l'«implacable exactitude», comme le dit Duranty qui en fait le symptôme de la «névrose du vrai», qu'à vriller les choses, à les fixer dans le sens où, à la fois, il en saisit le cours et les rend inaltérables, comme une photographie passée par le bain du révélateur doit être fixée.
Nul doute que le public français éprouvera les difficultés les plus grandes devant la production de Menzel relative à l'Histoire de Frédéric le Grand. L'idéologie bourgeoise-libérale d'avant la révolution de 1848 qui colore tout le cycle est imputable à