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Critique

ARTS. Exposition à Amsterdam du peintre néerlandais du XVIIe attaché à représenter les luttes de pouvoir. Le théâtre grotesque selon Jan Steen. Jan Steen, peintre et narrateur. Exposition présentée au Rijksmuseum d'Amsterdam jusqu'au 12 janvier 1997. Catalogue en trois éditions (néerlandaise, anglaise, allemande), 272 pages illustrées.

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publié le 19 novembre 1996 à 1h21

Accrochées dans des salles repeintes uniformément en gris, les 49

peintures de Jan Steen (1626-1679) qui composent cette exposition, tout en ne livrant qu'une partie de l'abondante production du peintre de Leyde, en donnent cependant une perception très éclairante.

Dans les deux pendants sur le thème de «La cuisine grasse» et «La cuisine maigre», inspirés d'oeuvres de Brueghel l'Ancien, toutes les physionomies sont ostensiblement laides, y compris celle des enfants. Dans la Noce de village, l'accumulation de personnages a quelque chose d'artificiel, la diversité de leurs costumes et de leurs coiffes aussi. On a le sentiment que c'est une scène de théâtre qui se joue ici. L'artiste a d'ailleurs peint, un peu plus tard, un tableau dont le titre reprend un vers de Shakespeare: «All the world's a stage...».

Le monde de Steen est une scène de théâtre mais le tableau en rend le grotesque plutôt que le sublime, le trivial plutôt que la dignité. Les femmes sont vulgaires avec insolence et les hommes paillards, grossiers et satisfaits d'eux-mêmes. Les pauvres sont laids, les riches sont ridicules. Toute cette comédie est menée autour de l'argent et du sexe: disons plutôt du pouvoir que donnent l'un et l'autre. Les hommes entreprenants ne sont pas moins antipathiques que les femmes lascives et les pauvres sont souvent les prédateurs des plus aisés.

Dans Le bourgeois de Delft et sa fille (reproduit ci-contre), Jan Steen donne une image très éloquente de ce monde. Le bourgeois étale le prix