Ce qui frappera peut-être les spectateurs et auditeurs de For Ever Mozart, c’est de découvrir à quel point Jean-Luc Godard, roi des fous et poète en chef du cinématographe, s’est livré à un travail chorégraphique. Rarement Godard, qui s’est pourtant beaucoup frotté à la question du mime, n’a en effet été si proche du travail d’un maître de ballet – d’une Pina Bausch ou d’un William Forsythe. On jugera inévitable ce glissement vers l’expression corporelle : c’est principalement de la guerre dont parle JLG. Il a choisi la guerre de Bosnie, la plus proche de nous jusqu’à nouvel ordre, dans la géographie et dans l’histoire. Mais pour éviter l’obscénité du spectacle de la guerre, il devait aussi en transfigurer les victimes, rendre à leurs corps la liberté poétique : les personnages en guerre de For Ever Mozart dansent sur un volcan ; face à la mort, face à la guerre, ils sont affligés d’une grâce ultime qui les sauve du néant : elfes trébuchants, virevoltants, affolés comme des boussoles, ils rebondissent, plus ou moins meurtris, aux quatre coins du cadre, ou s’évanouissent dans la nature avec la maladresse légère d’anges déchus, ne nous laissant que le goût âcre d’une petite fumée désolée.
Mais pour filmer la guerre, le cinéaste doit aussi faire danser son regard d’un bout à l’autre du front. Tantôt il court avec le lièvre, tantôt il s’embusque derrière la ligne des chasseurs : c’est le côté artificier de Godard, qui place tout à coup dans le champ (au double sens