Lost Highway est un film qui va de l’avant. Dès la séquence générique très agitée du bocal, où on se demande déjà comment un plan si simple (juste une route à deux voies dans la vallée de la Mort, juste une ligne discontinue qui semble faire des étincelles) peut être pareillement excitant, et, durant tout le début dans cette architecture à angoisse feutrée dans laquelle vivent Fred et Renee Madison, la caméra de David Lynch perce la normalité des choses et de la vie rangée en s’avançant. Dans un couloir, sur un visage, dans le noir, comme une sonde. Lynch continuera sur ce mode exploratoire et chirurgical durant tout le film: non seulement on entrera dans la tête de Fred Madison, dans ses rêves et dans ses hantises, mais on pénétrera jusque dans la barbaque. Là où, dans Blue Velvet, une oreille coupée se contentait de chanter dans l’herbe ou de souffler des horreurs, ici tout est capable de parler: les murs, le noir, les infinis gadgets de la vie moderne. Et il en est ainsi parce que Lynch a fait table rase de ce qui ne servait déjà que d’accessoires dans ses films précédents: la conversation, les petits bruits de la vie quotidienne, la sociologie, la narration, la psychologie, jusqu'à l’histoire même, jusqu’aux personnages de l’histoire.
Si prenant, si dérangeant. Cette fois, il n’y a plus que des moments. Des moments de cinéma. Parfois Lynch fait ça insidieusement, parfois il met lui-même le doigt dessus et scande, comme ce moment fort épaulé par Lou Reed qui estourbit un v