Cornelius Castoriadis est mort. L'homme qui personnifiait l'énergie
créatrice est parti, laissant derrière lui une image et un symbole que les penseurs d'aujourd'hui et de demain auront à déchiffrer. Avec Kostas Papaioannou, Kostas Axelos, «Corneille» comme on l'appelait entre amis représentait ce que la pensée «émigrée» avait produit de mieux en France depuis la guerre. Corneille était un être rare: penseur, mais aussi militant, empêcheur de tourner en rond, impitoyable avec les cuistres et les conformistes, méprisant pour les pseudo-intellectuels. Castoriadis était un penseur hérétique, étonnamment original et indomptablement radical. Hérétique parce que dès son départ de Grèce, après la guerre et après avoir vu comment le Parti communiste stalinien massacrait les opposants de gauche, surtout les trotskistes, il développa une aversion salutaire contre toute forme d'orthodoxie liée à un parti, un Etat ou une Eglise. Le noyau de l'hérésiologie castoridienne réside dans cette aventure première, dans cette praxis qui lui fit côtoyer la mort. Dès le début, il ne pouvait accepter que l'obéissance à la stratégie impériale de Staline fût considérée comme la table des catégories de la pensée critique marxiste. De là son cheminement et celui de toute une génération d'intellectuels.
Corneille critique le marxisme stalinien au nom du trotskisme, mais son hérétisme inné lui fait entrevoir d'emblée les limites de cette critique. C'est pourquoi il entreprend, presque simultanément, l