Au sommet des escaliers qui descendent à la scène, elle a laissé ses bottines de jeune fille des villes. Elle allume une chandelle, avance pieds nus sur les planches froides. De lourds bracelets d'argent mat et des gestes vaporeux, une maigreur distinguée et un ample drap imprimé en guise de robe lui donnent l'étoffe d'une princesse africaine. Aux pieds d'Erykah Badu, on a bêtement disposé des bottes de paille pour que ce vieil entrepôt du XIIe arrondissement de Paris évoque les granges du Mississippi où l'on chantait le blues au début du siècle. La jeune femme des banlieues de Dallas lève les yeux au ciel «Vous savez que je n'ai jamais vu de foin de ma vie!» , elle prend lentement son inspiration et, dans une fumée d'encens, chante avec majesté, les paumes tournées vers le sol. C'est un soir du printemps dernier, une réception privée où le grain de voix singulier d'Erykah Badu est présenté au «métier» parisien. Aux Etats-Unis, elle est alors en passe de devenir un phénomène majeur de l'année 97. Son premier album s'est vendu à plus d'un million d'exemplaires en moins d'un mois (près du triple depuis). Elle s'est imposée dans les hit-parades américains plus vite qu'aucune femme avant elle. Personne pourtant n'avait prévu le triomphe de cette jeune orgueilleuse qui prend à rebours les canons commerciaux de l'époque et sonne le réveil de la musique soul, plus spirituelle et politique que sucrée et sexy. «Elle a compris tout le bénéfice qu'il y a être profond à une époque où
Portrait
Erykah Badu, Complètement Soul
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par Laurent RIGOULET
publié le 6 janvier 1998 à 17h46
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