Le corps fragile de Woody Allen glisse sur les tapis épais du Ritz: il se plie en deux, se prête au jeu. Pendant que sa tasse de thé refroidit, l’auteur de Manhattan sort de sa torpeur timide. Loin de l’image tragicomique de ses rôles, ses mots coulent mélancoliquement, interrompus par un sourire indécis. Rencontre sans cris mais en chuchotements.

Votre personnage Harry Block est un égocentrique névrotique obsédé par le sexe. Pourriez-vous incarner un homme qui aurait fait la paix avec lui-même et avec les femmes?

Aucun acteur comique ne jouerait un personnage gonflé de confiance en lui. Imaginez Charlie Chaplin ou Buster Keaton comme des amants heureux et fiers ­ impossible! Où est-ce que je dénicherais mes histoires si je ne puisais pas dans mes conflits, les problèmes et mes anxiétés? Mon comique naît de la difficulté de notre vie.

Votre romantisme trouve-t-il sa place seulement dans la fiction?

Ma vision de la vie est à la fois romantique et catastrophique ­ c'est plus juste, non? Toutes les choses que l'on peut contrôler sont toujours merveilleuses et réjouissantes mais on trouve compliqué, douloureux et angoissant tout ce qui nous échappe. Nous nous croyons torturés mais un jour, nous nous réveillerons avec une petite ombre sur les poumons et à ce moment-là, face à la mort, nous réaliserons combien on était heureux jadis.

Comment les comédies ont-elles évolué depuis Charlie Chaplin?

Chaplin était l’enfant de la révolution postindustrielle, et les