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Libération
Critique

«Orfeo» s'envole

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Sur une scène high-tech, l'opéra de Monteverdi enchante Aix.
publié le 16 juillet 1998 à 6h06

Est-ce le ciel étoilé au-dessus du vaisseau de tek? Ou la luminosité du disque bleu se détachant d'un immense écran panoramique noir, tendu devant les spectateurs? C'est un fait, au moment où retentit la toccata introductive sur un petit promontoire situé à gauche du théâtre de l'Archevêché, on a le sentiment d'être l'otage d'une expérience. Une expérience de sons, de lumière et de gestes, signée de deux maîtres, l'un de musique baroque, l'autre de danse contemporaine.

Il ne faut pas deux mesures à René Jacobs et au Concerto Vocale qu'il fonda en 1977 pour captiver de cuivres incisifs et clairs, puis de l'amplitude cristalline d'une ritournelle. Comme il ne faut pas deux minutes à la chorégraphe Trisha Brown pour installer une vraie impression d'au-delà sur la scène high-tech. Au moment où la soprano Juanita Lascarro (entendue à la Bastille dans Parsifal, Carmen et les Noces) lance le prologue («De mon Permesse aimé, je viens à vous»), le disque bleu s'anime de l'envol d'une naïade (la danseuse Diane Madden), représentation du personnage de la Musique, en apnée gracile d'abord, puis comme figurant une onde. Quelque chose dans cette adéquation subtile entre la grâce de la musique de Monteverdi et la fluidité de la gestuelle de Trisha Brown dit d'emblée que, pour schizophrénique que soit cette représentation de l'Orfeo (1), elle est ­ une fois de plus à Aix ­ d'une lisibilité pédagogique. Pouvoir du chant. Que nous dit Orfeo? Pour beaucoup, il serait l'illustration du pouvoir i