Ce samedi-là, c'est un des amis présents dans la maison de Neauphle qui ouvre la petite porte grise de la légendaire cuisine. Jean Mascolo est devant son évier, occupé à dessaler des filets d'anchois. Absorbé. Le fils de Marguerite Duras lève les yeux, des yeux très foncés, précisant qu'il vit en marge des horaires normaux. A quatre heures de l'après-midi, le deuxième de ses inusables copains a mis le couvert, dehors, sur une table ronde hors d'âge.
Jean Mascolo met à rafraîchir quelques carafes de rosé du Quercy. A coups de courtes phrases, précises, modulées, il explique pourquoi on l'appelle Outa depuis cinquante et un ans. Jean (également prénommé Paul, Etienne, Dionysos) avait deux mois lorsque ses parents Dionys Mascolo et Marguerite Duras séjournèrent, en août, à Château-Chinon chez François Mitterrand. Or, au mois d'août, sévissent les aoûtats, acariens appelés aussi «vendangeons». Ces perfides firent du nourrisson leur proie. Il hurlait. D'aoûtat à Outa" le diminutif lui resta. Quand elle serrait son petit garçon dans ses bras, Marguerite déclinait les deux syllabes en un japonisant «Outa-yo-ti-mitou». Jean, ça sonne sérieux. Outa, c'est autre chose" Plus tard, il grimperait trop haut dans les arbres, et nagerait trop loin dans la mer. «J'avais peur tout le temps», a dit Duras, dans les moments radieux où elle évoquait «ce seul amour inconditionnel» , le maternel, «" à l'abri de toutes les intempéries, il n'y a rien à faire, c'est une calamité, la seule du monde, mer