Au début des années 80, les Japonais conquerraient Paris en le
prenant à rebours. En provenance directe d'un Orient moderne qui nous semblait aussi futuriste qu'étrange et inventif que lointain, ils comblaient les vides béants de la mode occidentale avec un pessimisme massif et une austérité radicale, imposant le noir à tous les étages du corps et donc de l'esprit. C'était beau et en plus, ça tombait à pic. A la fin des années 90, le rapport s'est en quelque sorte inversé: l'économie de l'Archipel chancelle et l'Europe de la mode fait mine de relever le gant. Or, qu'a-t-on vu au cours de ces défilés? Des stylistes japonais en fièvre, acrobates du concept et l'oeil fixé sur l'avenir. Leur grande force originelle, qui trace toutes les passerelles possibles entre l'artisanat séculaire nippon et l'art moderne mondial, n'a pas varié: Rei Kawakubo, notamment, continue d'incarner cet exact et impossible milieu avec une saison Comme des Garçons instruite, réflexive et nourrissante. Ce qui est neuf, c'est la position positive adoptée, l'envie manifeste et manifestante de s'amuser, le goût du risque mélangé à celui du saké. Issey Miyaké, dans ce registre, a poussé la logique moderne à son paroxysme, en faisant précéder son défilé d'un apéro performance: une vision tout à fait crédible du vêtement de demain: un baluchon de tissu prédécoupé dans lequel les nomades du futur pourront tailler tout ce dont ils ont besoin, de la robe au sac à main. Derrière, la collection Miyaké déclinait l