Face au lac Michigan inondé de soleil, le hall du Chicago Symphony
Orchestra. C'est là que, depuis quelques jours, Gil Shaham et Pierre Boulez répètent les Rhapsodies pour violon et le Concerto pour violon no 2 de Bartok, qu'ils vont donner avec l'orchestre des feus Fritz Reigner et Georg Solti, et enregistrer pour Deutsche Grammophon.
Fan de folklore. Sans faire l'injure à Pierre Boulez de le réduire à sa rigueur analytique, et Gil Shaham à son ly-risme, on peut néanmoins parler de rencontre entre deux écoles et deux générations. Dans sa chambre du Four Seasons, Shaham ressemble toujours au jardinier naïf du Bienvenue, Mister Chance de Jerzy Kosinski. Un garçon d'étage apporte des fleurs au nouveau marié, embarrassé: «Je n'ose plus lui donner de pourboire, depuis une semaine, c'est devenu un ami.» Il préfère répondre de ses répétitions avec le maître. «Lorsque l'on a un doute sur une note, on peut voir Boulez réfléchir avec sa logique compositionnelle avant de donner son verdict. Il a fait cinquante corrections sur la partition. A côté, mon approche est plus modestement celle d'un violoniste qui aime le folklore hongrois», ajoute-t-il, en exhibant des transcriptions de mélodies folkloriques de la main même de Bartok, à l'origine des fameuses Rhapsodies hongroises.
C'est l'amour de Shaham pour cette musique populaire qui transpire en répétition, l'après-midi, et pendant la performance soyeuse, du soir. Mais aussi cette école de rigueur des Oïstrakh, Kreisler, Mintz ou Perlman