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Libération
Critique

Rétrospective parisienne de l'oeuvre du peintre américainRothko, choc rétinien. 69 tableaux immenses, sans limites, aux couleurs incroyables:une expérience visuelle. Mark Rothko jusqu'au 18 avril au musée d'Art moderne de la Ville de Paris, 11, av. du Président-Wilson, Paris XVIe; tél.: 01 53 67 40 00; catalogue: 295 F.

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publié le 14 janvier 1999 à 23h10

Plus qu'une leçon de peinture, ce sont les effets de celle-ci qui

constituent l'attraction principale des oeuvres de Mark Rothko. On s'attache à la cuisine («comment c'est fait, comment c'est peint»), seulement après avoir fait l'expérience de ses tableaux. Une expérience visuelle inouïe, éblouissante, où vous avez la sensation d'être tout entier concentré ou suspendu à votre regard. Moins qu'une leçon de peinture, l'art de Rothko est plutôt une «leçon de regard», comme on dit des Leçons de ténèbres du compositeur baroque Marc Antoine Charpentier.

Impossible à fixer «Soit leurs surfaces se dilatent et s'ouvrent dans toutes les directions, soit elles se contractent et se referment précipitamment dans toutes les directions»: à l'entendre (en 1953), la peinture de Rothko est comme un oeil. Ça se contracte, ça se dilate, c'est toujours en mouvement. Le regard, comme le tableau, est inquiet: sans quiétude. Du coup, l'art de Rothko ne supporte pas la reproduction, l'image fixe. La photographie réduit ses tableaux à de vagues formes et à des couleurs forcément ingrates; rien n'y subsiste de leur rayonnement, de leur vibration et de leur lumière intérieure «qui occupe constamment l'oeil et ne le fatigue jamais» (1). Rien non plus de leur format («de très grands tableaux», disait Rothko), de leur échelle, leur présentation volontairement très bas, à distance et éclairage calculé (selon la directrice du musée d'Art moderne de la Ville, Suzanne Pagé, «jamais l'intensité de l'éclairage n'