Il ne faut jamais désespérer de la cruauté des hommes, ni de leur
capacité à la mettre en scène. Jardin public (Jneynet al-Senayé), la dernière pièce de théâtre de Roger Assaf s'inspire d'un fait divers particulièrement horrible intervenu en pleine guerre du Liban, en 1984: un jeune homme, Khalil T., avait violé et découpé en morceaux sa vieille logeuse; condamné à mort, il a été pendu en public dans le jardin face au lieu du crime. Pour l'exemple. L'histoire a inspiré la pièce, mise en scène en 1997, ainsi que deux romans, de Youssef Salamé et Hassan Daoud (1). Au printemps dernier, les autorités libanaises avaient à nouveau recours à ce lugubre châtiment à Tabarja, petit village de la côte où un frère et une soeur tenanciers d'une bijouterie avaient été tués par deux jeunes malfaiteurs. Au lendemain de la pendaison retransmise par toutes les télés t accueillie par une indifférence stupéfiante, un jeune du village avait eu cette phrase terrible: «Les Libanais sont fatigués d'être exceptionnels. Ils veulent ressembler à tout le monde, alors ils se tournent vers le Moyen-Age».
Discours au scalpel. C'est ce Moyen-Age que décrit Jardin public, cruel moment de théâ-tre. «Lorsqu'on a commencé à travailler, ce fait divers s'est imposé assez rapidement au groupe, raconte Roger Assaf. Il y avait une multiplication inquiétante des exécutions capitales au Liban et, en même temps, le sentiment général que les gens ne vivent pas dans une société de droit. Chacun se sent lésé et en vient à