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Interview

«Shylock reflète l'amertume de la pièce»Philippe Clévenot détaille son rôle, son approche du théâtre. Le Marchand de Venise de Shakespeare, traduction de Jean-Michel Déprats, m.s. de Stéphane Braunschweig, jusqu'au 27 février au Théâtre des Bouffes du Nord; tél.: 01.46.07.34.50

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publié le 26 janvier 1999 à 23h18

Après Dans la jungle des villes de Brecht, c'est le deuxième

spectacle que Philippe Clévenot, 56 ans, joue sous la direction de Stéphane Braunschweig.

Les acteurs qui interprètent Shylock en font souvent un personnage noble, pathétique, sans doute pour désamorcer l'antisémitisme de la pièce. Vous, vous ne cherchez pas du tout à le rendre sympathique.

Shylock, il est assez con dans sa bonne foi ­ et dans sa foi qu'il croit bonne ­, mais il n'a rien d'un naïf. Les gens sont tellement durs avec lui qu'on pourrait tenter de le défendre. ça m'a réveillé ce matin. Je me disais que, par rapport au public, il n'est pas antipathique, mais il a ce côté étrange, paradoxal. Ce même côté étrange qu'avait Artaud (Clévenot a interprété, en 1995, Histoire vécue d'Artaud-Momo, qui reprenait le texte intégral de la Conférence du Vieux-Colombier prononcée par le poète en 1947, peu après sa sortie de l'asile de Rodez, ndlr). Oui, Shylock a quelque chose d'Artaud, à la fois repoussant et attirant. Pourquoi? Parce qu'il est en dehors. Il soulève des cochonneries autour de lui aussi terribles que son comportement est terrible. Il attire, il repousse. Tantôt il fait rire, tantôt il fait peur. Le rapprochement social avec Artaud n'est pas complètement délirant. Pour les spectateurs, ce n'est pas simple: un personnage aussi sectaire et autoritaire, qui en même temps perd. Shylock est assez touchant. La solitude de ce type est atypique. Pourquoi une telle solitude? Une telle haine?

C'est difficile à jou