Menu
Libération

La culture du navet. Cette semaine, «Toni».(Philomène Esposito)

Article réservé aux abonnés
par BAYON
publié le 27 janvier 1999 à 23h19

Dans le miroir des toilettes, à la sortie, c'est le coup classique:

confronté à la persistance rétinienne de l'image héroïque, on se redécouvre un peu consterné. Le héros Toni est beau. Ajouter «à notre goût» serait une coquetterie; il n'y a pas photo, comme dit le populaire. Ténébreux, velu (barbe bleue), bien découplé, assez arabe selon la voisine intéressée, Toni est un mâle, à renvoyer nos jeunes premiers du jour, Di Caprio en tête, au rayon des colifichets. Le film, âpre, vaut sa tête d'affiche. Il s'agit d'un «film noir», comme on disait jadis «roman noir», genre policier illustré par Jean-Pierre Melville ou par son collaborateur idéal, l'écrivain André Héléna.

Avec ses contraintes budgétaires, servant sa tendance aux «trois unités» et sa distribution resserrée, avec son lyrisme de la virilité dépassée, ses meurtres et dialogues à blanc, son errance liturgique entre chambres d'hôtel et bars, silence et réverbères, taxis, enseignes ou trottoirs luisants, Toni, outre Anthony Delon (pour le prénom et l'idéal voyou) et Nico ou Nos funérailles (pour la pietà), évoque une tradition française du film de truands tragiques ­ que rappelait l'an dernier J'irai au paradis (car l'enfer est ici).

Plutôt Interdit de séjour que le Samouraï, l'austère Toni reprend l'argument classique de «l'Homme de main»: un tueur à la McPartland (Bonjour Mafia) débarque de son bled calabrais, dépêché par la N'Drangheta, pour exécuter un contrat (vite et bien), après quoi les choses se gâtent. Toni, co