Nous y voilà. On peut désormais juger sur pièces la silhouette de
l'homme de l'an 2000 dont le fantasme alimentait le monde de la mode depuis au moins l'invention du futurisme: jusqu'à hier encore, les créateurs de prêt-à-porter masculin se décarcassaient pour en dessiner les contours et présenter, d'aujourd'hui à samedi prochain, les collections automne-hiver 1999-2000. Qu'est-il donc devenu, cet homme en combinaison de pompiste fluo, ce frère Bogdanoff lamé argent allant faire pisser son chien sur Titan pour un oui ou pour un non et ouvrant des couloirs spatio-temporels avec une agrafeuse à moquette? Porte-t-il toujours sa vareuse orange et marron à col Mao? Ses Moon Boots magnétiques? Pas vraiment. Si on leur pose froidement la question de savoir s'ils ont prêté quelque attention au changement de millénaire, les créateurs qui font l'homme répondent assez unanimement: «Surtout pas.» Pas un ne semble avoir cédé à la mystique du chiffre rond et transformé son défilé en opération de prospective sur le thème «l'homme de demain», pour la bonne raison qu'il n'est pas très différent de l'homme d'aujourd'hui. Celui-ci, rappelons-le, continue d'attendre l'autobus rue Glacière, vêtu d'un costard passe- muraille et coiffé d'un chapeau gris (ou d'une casquette de base-ball). Même les plus vaillants semblent avoir renoncé à changer cet homme-là, Jean-Paul Gaultier lui-même ne se faisant plus d'illusions sur sa propre capacité à accélérer le très lent cours de l'évolution du vêtement mâ