Blanche, amplifiée, un rien spectrale, la voix de l'homme dit, de
derrière les coulisses: «Elle était morte quand je rentrais à la maison. Elle gisait dans la cuisine sur le sol de pierre, à moitié sur le ventre, à moitié sur le côté, une jambe repliée comme dans le sommeil, la tête à proximité de la porte. Je me baissai, relevai son visage qui était de profil et dis le mot par lequel je m'adressais à elle quand nous étions seuls. J'avais le sentiment de jouer du théâtre. Je me vis adossé au chambranle de la porte, mi-ennuyé, mi-amusé (").» Ainsi commence le texte probablement le plus autobiographique d'Heiner Müller, Avis de décès, où un mari relève à trois heures du matin le corps inanimé de sa moitié suicidée au gaz, elle qui avait déjà tout essayé, la lame de rasoir, la corde, le mercure d'un thermomètre cassé, les comprimés, et même feint de se jeter par la fenêtre. Et l'époux, maintenant, se souvient comment il transporta ce corps plus lourd que d'habitude «avec peur (espoir) qu'elle fut morte». C'est sa carcasse à lui qui va et vient, fait les gestes, et c'est la bouche d'un autre, invisible, qui raconte, et, à la fin, sera là, ombre et double. L'un s'appelle Henri Devier, l'autre Gilles Ruard, cometteurs en scène, coacteurs.
Au milieu de nulle part. Une femme brune, aux traits marqués, absentée: la comédienne Isabelle Jeanty habite avec ces deux-là le décor à hautes tubulures métalliques imaginé par Graham et Liz Sangster (deux Gallois de la Dordogne), espace construc