Dans le titre Cette Afrique-là, l'adverbe n'est pas sans évoquer Ces
gens-là, lumpenprolétariat que dépeignait Brel avec une si cruelle acuité («D'abord d'abord y'a l'aîné/ Lui qui est comme un melon/ Lui qui a un gros nez/ Lui qui sait plus son nom/ Monsieur tellement qui boit"») plombée par l'immobilisme («Parce que chez ces gens-là/Monsieur on ne s'en va pas»). Du reste, le rapprochement est d'autant plus tentant que les photos réunies sous cet intitulé sont en majeure partie extraites d'un livre titré Platteland, qui signifie, en afrikaans, le «plat pays». Nous y voilà: dans une Afrique du Sud assez indicible et hybride, qui ne serait ni celle des Blancs aisés, ni celle des Noirs pauvres, mais celle des Blancs pauvres. Paysans, ouvriers, sans-emploi ou retraités ruraux, sonnés par la fin de l'apartheid le chômage, chez les Blancs, a plus que doublé depuis deux ans , sur lesquels le photographe Roger Ballen, transposant la tradition américaine du social documentary, pose un regard dramatiquement lucide, selon toute vraisemblance et en dépit des apparences (parfois monstrueuses) plus amical que sévère.
Etat d'aliénation. Débarqué au Caire, le New-Yorkais Roger Ballen, encore jeune homme (il a aujourd'hui 49 ans), traverse toute l'Afrique pour finalement poser son baluchon au Cap, à l'extrême sud du continent. C'est là, et dans toute l'Afrique du Sud en général, qu'il va trouver matière à développer in situ ses inclinations pour la philosophie, la géologie et la photograp