La grande salle du Brooklyn Academy of Music est dans la pénombre.
Sur scène, un chanteur de l'opéra de San Francisco et son claveciniste auditionnent pour le maître. William Christie chuchote («Il est un peu fade, non? Et puis il n'a pas une très belle présence scénique»), avant de s'adresser au contre-ténor nerveux: «Vous avez un joli brin de voix, vous manquez un peu d'assise dans les graves, on a votre CV, on vous appellera.» L'audition est finie, la répétition peut commencer. Les musiciens des Arts florissants embrassent Christie, qui sur la joue, qui sur la bouche. La fosse s'enfonce, pour permettre aux techniciens de récupérer une plate-forme pour la trompette.
Succès inattendu. Pendant deux heures, William Christie multiplie les allers-retours dans la salle. «Cette pièce ne tolère pas tant de vibrato, les sopranos doivent éviter de chevroter. Exagérez la diction, n'hésitez pas à cracher sur les premiers rangs, c'est une musique qui pète»" Ni les galères, ni le succès n'ont entamé le charisme de cet Américain par qui la France acquit ses lettres de noblesse baroque à la fin des années 70, époque où personne n'aurait misé sur le sérieux musicologique et instrumentiste d'un ensemble français pour interpréter convenablement Lully ou Rameau. «On nous faisait si peu confiance que j'ai dû financer moi-même notre premier enregistrement», explique le claveciniste et chef dans sa loge, pendant une pause.
Christie est né fin 1944 à Buffalo (Etat de New York), d'un père ingénieur e