Il y a un type à rouflaquettes et cravate lacet qui fend la foule du music-hall londonien, vous jette un coup d'oeil rapide, sort de son manteau une photocopie bon marché et, avant de disparaître, vous la fait passer avec des airs de conspirateur. Près des escaliers menant aux balcons chargés de dorures, il y a des couples qui dansent le jitterbug et le Lindy Hop. Comme dans les clubs d'Harlem avant-guerre, ils rivalisent de figures complexes et cryptées (Slip Slop, Spank The Baby, Tack Annie, Stomp Off"). Il y a des jeunes femmes en robes légères de tissu imprimé et, adossés aux boiseries, d'élégants garçons qui les regardent. Ils posent en chaussures bicolores ou chapeaux de gangster, en costumes «Zoot» des années 40, veste longue Pachuco, pantalon Bruno, une fine chaîne pend de la poche jusqu'aux genoux et fouette l'air quand ils dansent.
Ils forment ainsi, un vendredi soir bien arrosé, une société qui n'a pas l'air de vouloir garder son secret plus longtemps. Ils communiquent par bulletin sur le Web, se retrouvent pour danser dans les clubs ou les salles paroissiales, échangent les disques (Ellington, Basie, Elridge") et les films (Helzappoppin, Funny Face, Daddy Long Legs") qui les rassemblent. Début mars, ils se retrouvaient pour la Zoot Suit Riot dans un dancing de la capitale, ce soir ils sont au Sheperd's Bush Empire, plein à craquer, pour faire un triomphe au héros venu d'outre-Atlantique, la star de cette nouvelle «rétro renaissance» que personne n'a vue venir, le