Dans son autobiographie, Une vie, publiée il y a une douzaine
d'années, Elia Kazan évoque la façon dont il avait donné des noms pendant le maccarthysme et fait cet aveu: «J'ai pris conscience du caractère terrible de mon acte: pas l'aspect politique, car c'était sans doute une attitude correcte à adopter; enfin cela n'a plus d'importance maintenant que ce soit correct ou non; seul le côté humain comptait. Je me suis dit: tu as encore blessé un être humain, un de tes amis, et sa famille et l'aspect politique, tu peux te le mettre au cul.» Avec de tels souvenirs, un tel passé, l'oscar qui va lui être attribué dimanche pour l'ensemble de sa carrière ne peut être réduit à un événement artistique. Il est aussi politique, même historique.
Personne n'oubliera qu'au début 1952, Elia Kazan a «collaboré» avec la Commission des activités antiaméricaines animée quelques années plus tôt par le sénateur Parnell Thomas puis dominée par le sénateur McCarthy. Tout le monde se souviendra qu'il a dénoncé tous les acteurs communistes qu'il connaissait, notamment ceux qui appartenaient au Group Theater, une troupe d'avant-garde des années 30, dont certains ont fait ensuite carrière à Hollywood. Dans les années 50, Lilian Hellman, écrivain et compagne de l'écrivain Dashiell Hammett, l'accusait d'avoir «liquidé son stock pour l'argent». Le réalisateur John Berry, membre du PC américain des années 40 et 50, et qui a dû alors fuir Hollywood pour Paris, est plutôt d'accord: «Kazan a donné des noms pou