La voix, comme juvénile, est intacte. A peine voilée par
l'enregistrement. Cheikh Raymond Leyris emplit l'espace confiné de la salle avant de laisser place aux inqlabat, pièces sur le mode zidane que la formation de Taoufik Bestandji entame avec une alacrité révérencieuse, presque religieuse. Ahmad Aoubdia (luth et chant), à la voix empreinte de grâce liturgique, Kamel Labassi (guitare flamenca), Lakhal Belhaddad (cithare un rien janséniste), José de Souza (violoncelle, doyen de la musique «orientale»), Ahmed Abdi (flûte et zorna, démoniaques), Nacer Bousaboua (tambourin ironique) et Zoher Yahyaoui (derbouka sardonique) s'encouragent du geste et du regard, conscients, peut-être, de la solennité de la circonstance.
Trente-huit ans" Il aura fallu cette éternité douloureuse pour que Cheikh Raymond, maître du malouf de Constantine, soit célébré par sa patrie. Du moins par l'une de ses instances officielles, le Centre culturel algérien de Paris. Mardi soir, ce fut chose faite, dans une sorte de «douceur» (le mot est de son fils, le Dr Jacques Leyris) qui, soudain, balaye la rigidité avec laquelle l'Algérie indépendante s'est refusée à envisager ses multiples héritages. L'assassinat, en 1961, du poète de Constantine sonna le départ de la communauté juive millénaire de la ville, mais il n'a jamais été oublié par ses adulateurs musulmans.
Il aura fallu, aussi, le courage de Bestandji dont le grand-père fut le maître de Cheikh Raymond , artisan de cet «Hommage», pour que la musique,