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Analyse

Comment fonctionnait le réseau de Fry

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Mandaté par les Etats-Unis, le journaliste américain venu à Marseille pour faire émigrer 200 personnalités en fera sortir environ 1500.
publié le 25 mars 1999 à 0h16

Varian Fry, journaliste francophile, libéral de gauche, débarque à 32 ans à Marseille le 13 août 1940 avec 3 000 dollars en poche et une liste de 200 noms de personnalités particulièrement menacées. Il est missionné par l’Emergency Rescue Committee, association présidée par Eleanor Roosevelt, épouse du président américain, qui veut prêter assistance aux réfugiés. Comme l’écrira plus tard David Rousset, le continent n’offre alors plus que deux portes de sortie : Marseille et Auschwitz. Bientôt, il n’en restera qu’une.

Fry prend une chambre à l’hôtel Splendide, où bientôt affluent les réfugiés. Il en enrôle certains, s’entoure d’une demi-douzaine de volontaires américains et français. Plus tard, il se repliera sur la villa Air-Bel, où il partagera la vie du petit cercle d’artistes réunis autour d’André Breton. Dans ses mémoires, Fry raconte avec humour sa découverte ahurie de ce port cosmopolite, où «les rats faisaient la fête sur les tas d’ordures». Il ajoute vite deux nouveaux mots à son vocabulaire : «pagaille» et «débrouille». Auxquels il faudrait adjoindre «louche». Trafics de faux papiers, d’or ou de devises, contacts avec les truands corses et même fréquentation d’un agent double roumain. Parrainée par un comité d’éminentes personnalités, de Gide à Chagall en passant par Maillol (1), la petite bande entre en contact avec des milliers de réfugiés, parvenant à faire sortir environ 1 500 d’entre eux. C’est la se