Le Fredi Murer est un étrange animal d'origine helvète, un cinéaste
des hauteurs propres et figurées, un genre de Bresson des Alpes auquel on doit une reconnaissance éternelle pour au moins un chef-d'oeuvre insurpassable, l'Ame soeur (1985), et de nombreux documentaires, dont le programmatique Ce n'est pas notre faute si nous sommes des montagnards. Avec Pleine lune, son quatrième long métrage de fiction, il nous pose doublement problème. D'abord quant au fond: film-fable qui entreprend rien de moins qu'une redéfinition des rapports au sein de la cellule familiale moderne (quels pères, mères ou enfants sommes-nous?), Pleine lune semble se proposer comme objet de réflexion sociétal a priori peu digeste. Mais la forme, elle aussi, est d'apparence ingrate, qui hésite entre l'épure philosophique straubienne et une enquête à la Derrick.
Une enquête autour de la disparition de douze enfants, par une nuit de pleine lune. Douze enfants issus de tous les cantons du pays et comme échantillonnés dans le spectre social qu'offre la Suisse d'aujourd'hui. Oracle, crime, fugue, mystère religieux? Rien de tangible ne permet d'étayer aucune thèse, mais le choc est suffisamment rude pour secouer la Suisse tout entière, bientôt engagée, par médias interposés, dans une sauvage psychanalyse nationale (ou plutôt confédérale). A bien des égards, l'histoire évoque une version ésotérique et intellectuelle du Village des damnés, rapporté à l'échelle du fameux petit pays. C'est la part la plus inquiéta