Le 26 décembre 1986, Bernard Pivot consacre son Apostrophes à la chanson française. Parmi les invités, Guy Béart et Serge Gainsbourg. Le premier est assis avec sa guitare loin du second, affalé devant un piano. Moments de vérité, sur M6, rediffuse mardi leur affrontement: une historiette aussi célèbre, dans l'épopée picrocholine de la télé française, que, dans l'Histoire, la rencontre Churchill-de Gaulle. Et qui est là pour la décortiquer, treize ans plus tard? Le survivant humilié: Guy Béart. L'oeil humide, il a son air très ordinaire de marsupial en peluche, vieille peluche. Il regarde avec nous l'image d'archives et commente, et dénonce, et se venge du chanteur mort. Ce jour-là, peut-être éméché, peut-être pas, Gainsbourg martèle au postillon, sur l'enclume du clavier, son art poétique: «Du champ', du brut', du vamp', du put'"», et explique: «Ce sont les mots qui véhiculent l'idée et non pas l'idée qui véhicule les mots!» Du silence gêné qui suit surgit la petite voix de Guy Béart, chantre hors champ de la qualité France: «Verlaine a déjà dit: de la musique avant toute chose"» Gainsbourg, sans même tourner la tête: «Qu'est-ce qu'il a dit, le blaireau?» L'honnête Béart, effaré, tangue en direct sous l'insulte: «Le blaireau, il était à la table" là, l'autre" le père Gainsbourg!» Il perd pied devant cette violence qui le désactive, fait de lui une pile morte. «Je sens qu'il y a un petit contentieux entre vous!» s'amuse Pivot, satisfait du spectacle. «Mais non! souffle Gainsb
Après coup. Béart se venge.
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par Philippe Lançon
publié le 8 avril 1999 à 0h38
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