Un film prétendument de cul, réalisé par une femme connue pour sa forte personnalité, avec le hardeur Rocco Siffredi en guest star, a suffi pour que Romance, de Catherine Breillat, soit précédé, longtemps avant sa sortie, d’une réputation sulfureuse qui a largement excédé le cercle cinéphilique. On dit que le succès d’un film repose souvent sur un malentendu avec le public, c’est bien ce qui a commencé à se passer avec celui-ci, car Romance, certainement le film le plus abouti de Breillat, ne ressemble pas du tout, tant mieux, à son portrait-robot. En fait, un film à haut risque, film en danger dont chaque plan s’arrache des tripes sa livre de chair, en quête d’une autre manière, aussi austère qu’excitante, de filmer l’amour.
Conquête visuelle
Romance est un instant incandescent dans l’histoire de la représentation du corps. A la fois cri, réflexion et discours, il s’inscrit violemment dans l’espace contemporain tout en s’ouvrant à une intemporalité qui le sublime. L’audace et la frontalité avec lesquelles Breillat s’attaque à ce qui par essence se dérobe sont au service d’une nécessité vitale qui passe par un double questionnement: comment inventer une représentation de la sexualité féminine qui ne soit pas obscène, et même qui règle son compte à la honte ancestrale; comment, tout en ne parlant que de soi, proposer un programme d’émancipation féminine? Si le cinéma possède une familiarité avec le corps guerrier, corps conquérant et mangeur d’espace de l’homme, il s’aventu