Un des moments ineffables que réserve Légionnaire, le prochain Van
Damme (sortie le 5 mai), est la vue de sa troupe kaki, procession de pénitents de la vie brûlée par les deux bouts, colonne d'âmes mortes des dunes, psalmodiant au vent de sable les versets de Voilà du boudin. Ainsi que le notait une spectatrice gênée, les baroudeurs du bled omettent le «Tiens!» convenu du fameux chant de troupe, ici repris en canon étrangement monocorde; de surcroît, ils ne le cadencent pas en bourrée suivant une certaine tradition populaire.
Exact, mais pas pour raisons supposées d'approximation. Si le film n'est pas exempt de négligences (témoin les cheveux, anachroniquement longs pour 1924), concernant «du boudin» la reconstitution tombe juste: cette pesanteur lancinante de lamento, à contretemps du rigodon soudard de l'imagerie ou des chorals entraînants de marines, ponctue exactement le traînement de galoches du «pas du légionnaire». Cette gravité antique, loin de le trahir, signe l'esprit même de la Légion étrangère.
«Legio patria nostra» est le credo de ce corps d'élite extrême. Dont la bataille fondatrice de Cameron, le 30 avril 1863, vit soixante-quatre «képis blancs», en descendance croisée de gardes suisses et de zouaves inflexibles, périr jusqu'au dernier dans un ravissement de fraternité massacrée, après neuf heures de résistance à deux mille Mexicains. Là gît le principe paradoxal de l'accomplissement dans la perte de soi que rêvait le colonel Lawrence (d'Arabie), déchu seconde cl