Francis Bacon, au patronyme prédestiné, constatait qu'à chaque fois
qu'il rentrait dans une boucherie, il se trouvait fort surpris et même déçu de ne pas s'y voir suspendu à un crochet. Il y a une manièredéprimante,c'est-à-dire chrétienne, de concevoir cette surprise baconienne: «Tu es poussière, etc.» Mais il y a aussi une version nettement plus encourageante, ante Christ, qui, sans dénier que l'on soit venu tout à l'heure d'un tas de poussière, se réjouit d'y retourner bientôt dans un enchantement moléculaire de premier ordre. Deux films d'actualité, Romance de Catherine Breillat et eXistenZ de David Cronenberg, viennent nous rappeler en effet que les chairs, avant qu'elles ne nous lâchent, se décomposent et se recomposent autrement, peuvent connaître des aventures palpitantes. En précisant que ces deux films n'ont rien à voir mais que, embusqués aux deux entrées antagonistes d'un même tunnel, pourtant ils se regardent. Tout au long de sa Romance, Catherine Breillat se demande ainsi ce que peut un corps, quelle insurrection il peut fomenter (à quel prix?, jusqu'où?) contre l'organisation de ses organes, y compris et surtout sexuels. Et l'on y voit que sa jeune héroïne peut jouir sans son sexe. «Je me suis coupé la bite parce qu'elle m'empêchait de bander», déclara un jour un adorable schizophrène. Chez David Cronenberg, la question «eXistenZielle» est moins frontale et plus tremblante, moins homosexuelle et plus masculine. «Qu'est-ce que peut un corps?» devient: y a-t-il u