Santiago de Cuba, à la fin du mois de mars. La Casa de la Trova, le
fief de la musique traditionnelle, est archicomble. Le public est moitié dans la salle, moitié dans la rue, à suivre de derrière les barreaux des fenêtres le spectacle de Floricelda Faez, 70 ans, et sa soeur Candida, 68 ans, chantant en duo Fleur de vengeance. Elles soulignent du geste et du regard le propos vindicatif: «Dans ton jardin j'ai semé la fleur d'amour et la fleur des douleurs dans ton jardin j'ai trouvé"» Le lieu est plus habitué aux cadences du «son», mais ce soir «la trova», genre né à Santiago il y a un siècle, fait son grand retour: Zaida Reyte, les soeurs Faez venues en train de Camagüey (une nuit de train pour parcourir 300 km) et le trio Miraflores de Sancti Spiritu, au centre de Cuba, présentent leur album: Casa de la Trova.
Les poètes des rues. Avant d'être un disque, Casa de la Trova a été le rêve de Cyrius, un chanteur français qui visite Santiago depuis des années. De ses rencontres avec les musiciens de tous horizons est né son premier album, la Banda, en 1998. Et, parmi tous les styles qu'il a côtoyés, il s'est pris de passion pour cette trova qu'on dit éteinte.
La trova est la chanson des trovadores (par paresse, on traduira «troubadours»), poètes des rues et des campagnes qui s'accompagnaient à la guitare. Pepe Sanchez (1856-1918) est le premier dont l'histoire a retenu le nom. Issus de milieux modestes, noirs ou mulatos (métis), les trovadores étaient à la fois compositeurs, interpr