Le personnage aura bouffé l'acteur. Beau, solidement campé sur ses
jambes, taciturne, joyeux, paillard, Oliver Reed s'en est allé sur les ailes d'une dernière cuite, dans un pub de l'île de Malte, où il tournait son cinquante-troisième film, The Gladiator, production quelconque signée Spielberg. Au fond, sa mort lui ressemble. Oliver Reed a toujours brûlé sa vie par tous les bouts, toujours parlé trop fort: «Détruisez-moi et vous détruisez le cinéma britannique, disait-il, laissez-moi grandir, au contraire, et je serai la plus grande star du pays. Je suis monsieur Angleterre.» Derrière ses yeux clairs éternellement rieurs, l'homme sait de quoi il parle. A lui seul il est à la fois Michael Caine, Richard Burton et Robert Mitchum. Sale caractère de lad buveur, comme Caine. Eternel dragueur ivre, comme Burton, en perpétuelles scènes de ménage, ragot idéal pour magazines people. De Mitchum, enfin, il a la carrure placide, les muscles souples, l'art de savoir rester debout au beau milieu d'un plan, tranquillement occupé à ne rien faire, ce qui est l'essence du cinéma. Comme Mitchum, surtout, il aime mieux boire et voyager que faire l'acteur.
Mutant damné. Oliver Reed était ce qu'il est convenu d'appeler un grand professionnel, même s'il laisse peu de beaux rôles derrière lui, presque pas de grands films. Les films, il s'en foutait comme de sa dernière chemise, il était ailleurs. Au début de sa carrière, dans une poignée de délicieux thrillers gothiques de Terence Fisher (les Deux