«Celui qui vit seul et qui aimerait bien, pourtant, se raccrocher de
temps en temps à quelque chose, qui veut simplement trouver (") n'importe quel bras sur lequel s'appuyer, cet homme-là ne tiendra pas le coup longtemps s'il n'a pas de fenêtre sur rue», écrit Kafka dans l'un de ses brefs récits (1). Les aventures théâtrales plus ou moins isolées à l'est de l'Europe sont à l'image de cet homme: elles ont besoin de fenêtre sur rue. Depuis quatre ans, le festival Passages à Nancy en est une. Cette années, dix jours durant, s'y accoudent des troupes venues de «de l'est de la Lorraine».
«Pourquoi aller là-bas?» Né dans les retombées de la chute du mur de Berlin et dans les chaudes heures de la Bosnie, Passages 99 s'est déroulé sur fond de Kosovo. Réunissant des Russes, des Polonais, des Bulgares et des Mongols. Aucunement en guerre fratricide, plutôt solidaires dans une sorte de résistance: à l'acharnement étatique et bureaucratique, aux oublis et aux plaies de l'histoire, aux rondeurs de l'establishment et au théâtre préformaté.
Ceux qui avaient fait le plus long voyage étaient les Russes du théâtre Khnam de Komsomolsk-sur-Amour, ville de l'Extrême-Orient russe proche du Pacifique, à neuf heures de décalage horaire de Nancy. Une ville fleuron de l'empire militaro-industriel soviétique, aujourd'hui ruinée. «Pourquoi partez-vous là-bas où il y a la guerre, ce sont nos ennemis?», avaient-ils entendu avant de s'envoler pour l'Europe occidentale. A Nancy, ils ont retrouvé des collègues