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Libération
Critique

Leos Carax disloque la figure de l'artiste au XXe siècle: inégal mais attachant. L'attraction de Pola Pola X (France, en compétition) de Leos Carax, avec Guillaume Depardieu, Katerina Golubeva, Catherine Deneuve, Patachou""; 2 h 14. Sorti en salles hier.

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publié le 14 mai 1999 à 1h01

A revoir Leos Carax aujourd'hui, à observer les manières matoises

avec lesquelles il tient à distance les curieux, à constater l'espèce de fièvre énervée que sa présence suscite, à écouter la méchante rumeur qui court sur son film et les dégoûts excessifs de ses contempteurs déjà rouillés, on se dit qu'il y a au fond peu de différences entre le jeune homme venu présenter ici, il y a quinze ans, son premier long métrage, Boy Meets Girl, et celui d'aujourd'hui.

On se dit encore qu'être cinéaste, même peu actif (quatre longs et deux courts à 39 ans, on a connu plus prolixe), finalement, ça conserve, et que cet effet Dorian Gray sied bien à Carax: le cinéma, grâces lui soient rendues, est un monde dans lequel enfance et adolescence ont la liberté d'être prolongées, parce qu'il encourage une sainte immaturité.

Chute abyssale. C'est aussi, à bien des égards, le sujet de Pola X ­ adapté de Pierre; ou, les Ambiguïtés, d'Herman Melville ­ ou plus exactement l'un des sujets compliqués, ingrats et brûlants qui s'articulent autour de ce film sombre et vertical comme un «I»: Immaturité, mais aussi Innocence, Imposture et" Isabelle. C'est elle qui forme à la fois le trou noir et le centre lumineux de Pola X. Au cours d'une nuit talismanique, elle va surgir dans la vie de celui qui était jusque-là le seul héros, Pierre, qu'incarne un Guillaume Depardieu exceptionnel. Pierre est un jeune écrivain gâté: une mère splendide et aimante, quoique ambiguë (Catherine Deneuve, intemporelle à bon escien