Trois films courts font-ils un film long? Certainement oui si, comme
dans le cas des Contes de Kish, il y a un minimum de projet cinématographique en commun. Ici, c'est l'unité de lieu, l'île de Kish, no man's land économique dans le golfe Arabo-Persique, qui a fédéré trois cinéastes iraniens. Mais cette coïncidence géographique dépasse de beaucoup le simple exercice de style. Nasser Taghvaï (le Bateau grec), Abolfal Jalili (la Bague) et Mohsen Makhmalbaf (la Porte) sont comme trois griots qui s'assoient tour à tour sous l'éternel arbre à palabres du cinéma.
Carton-phobie. Le Bateau grec raconte l'histoire d'une épave, un cargo, qui rouille paisiblement sur la plage où survit dans un cabanon un couple de vendeurs de cigarettes. Shanbeh, le mari, s'affaire à piller ce qui reste de la cargaison: que des emballages en carton où s'étalent quelques noms fameux du capitalisme électronique mondial: Sony, Daewoo, JVC. Shanbeh s'en sert pour rafistoler et décorer sa cahute. Mais son épouse, saisie d'une violente carton-phobie, en conçoit soudain une mélancolie catatonique. Le couple va donc consulter un sorcier qui va exorciser la pauvre fille à grands renforts de transes vaudou. Le «mal» étranger est extirpé et la fable s'épaissit alors en grumeaux idéologiques un peu durs à digérer. Mais après tout, comme il est patent que toute la merde des déchets modernes s'est donné rendez-vous sur les plages du pauvre monde, il n'est pas totalement inutile qu'un film hausse tout à coup le ton,