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Libération
Critique

La grève, un rêve quand la Cabrera tourne.

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Des cheminots en colère contre Juppé croisent une pauvre dans un film aux accents utopistes.
publié le 17 mai 1999 à 1h02
(mis à jour le 17 mai 1999 à 1h02)

Enfin un film politique, un vrai, qui ne patauge ni dans la taxidermie sociale ni dans le marigot du scepticisme blasé. C'est Nadia et les hippopotames, de Dominique Cabrera. Son titre résonne pourtant comme dans un conte. De fait, il était une fois Nadia, petit femme aux allumettes qui déboule dans une gare déserte avec son bébé dans la poussette. Visage fermé, regard tendu. Le conte est d'abord un règlement de comptes: Nadia cherche son hippopotame, c'est-à-dire un certain Gérard qui l'a larguée. Cette femme sur la brèche, c'est Ariane Ascaride qui l'incarne. Une actrice qui vient de loin, du fin fond des films de Guediguian (la Jeannette de Marius) et surtout d'une dynastie de mères Courage (on songe à Anna Magnani) dont le physique rugueux est instantanément social. Ce qui veut dire que sans chiffons ni make-up, Ariane Ascaride est belle d'être de son milieu. Les prolos donc, saisis lors des grèves de l'hiver 1995-96, qui, notamment chez les cheminots, combattirent le plan Juppé sur la Sécu. Nadia, pauvre et chiante. C'est la première bonne surprise du film, sa contestation de l'amnésie. On se souvient alors que cette grève fut en effet historique. On se rappelle aussi que cet hiver-là fut particulièrement gla-gla. Cherchant Gérard, dont elle sait, pour l'avoir aperçu dans un journal télévisé, qu'il est gréviste à la SNCF, Nadia pousse sa poussette jusqu'à un dépôt de Paris-Est où tente de se réchauffer tout un troupeau d'hippopotames rouges. Des syndicalistes en rogne,