Quarante-huit ans, la tignasse noire-provocation, les interviews
alignées à la mitraillette, Almodovar a fait peser la loi d'El Deseo (sa société de production) sur la Croisette. Fini le temps où Cannes snobait l'enfant terrible de la Movida, qui lui a bien retourné la pareille depuis. Une décennie après Femmes au bord de la crise de nerfs, dont aucune section n'avait voulu, il a, samedi, clos la querelle sur sa première montée des marches avec Tout sur ma mère, son treizième film.
Dans «Tout sur ma mère», à défaut de votre mère, on retrouve plein de femmes.
La mère du film c'est Manuela, une actrice qui s'ignore. Une femme jeune qui perd son fils et que cette perte laisse" carbonisée. C'est ce désespoir qui la rend généreuse et aventureuse, parce que désormais, tout lui est égal. A partir de là, on recoupe la citation d'Un tramway nommé désir, qui est une des références du film: on peut «faire confiance à la bonté des inconnus», en l'occurrence des inconnues. Je me suis rappelé mon enfance, dans la Mancha: les femmes discutant entre elles, dans la cour, alors que les hommes, ces pères manchegos, édictaient leurs sentences depuis leur fauteuil de skaï. Ce sont elles qui arrangeaient les choses, avec leurs mensonges, qui préservaient la vie. J'ai souvent vu ma mère feindre, jamais mon père. Pour moi, l'ambiance de la loge de théâtre recrée cet univers féminin.
Vos héroïnes ne mentent pas tant que ça, pourtant.
Non. Le silence de Manuela sur le père d'Esteban, c'est autre chose, un