Un couple de vieux, une maison antique, un coq déplumé: quatre
personnages au seuil du délabrement mais qui tiennent le coup. Le colonel, ex-révolutionnaire bouffeur de curé, attend depuis vingt-sept ans une pension qui n'arrivera jamais. Tant pis, en continuant à l'espérer, on peut la faire exister un peu. On peut aussi rêver d'un combat de coqs qui inversera le cours de la poisse. Maigre et malade, sa femme, Lola (toute la force fragile de Marisa Paredes), a peur de la faim. Mais les films licencieux, pain bénit qu'elle dévore en compagnie du curé local, la remplissent (presque) aussi bien.
Arturo Ripstein n'est pas en train de nous dire que la misère et le malheur (en plus, ils ont perdu leur fils unique) se surmontent les doigts dans le nez avec un peu de courage et d'imagination. Une fois de plus, il se passionne pour un couple uni au meilleur du pire et au pire du meilleur dans l'enfermement et la claustration. Pas la névrose au quotidien (vision petite-bourgeoise issue de la ville) mais les utopies tenaces et les folies, douces ou violentes, qui font la tragédie et le mélo: après le tandem criminel de Carmin profond, Ripstein fait escale du côté moins sombre de la nature humaine, la tendresse, par exemple.
Baroque mexicain. Qu'on se rassure, c'est quand même l'enfer. Dans ces mêmes décors de studio dont l'idéal semble être la facticité, le même baroque mexicain, les mêmes couleurs chaudes et saturées habillant une pauvreté reconstituée, la même lumière chromo (païenne ou