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Libération

Rushes : Reconnaissance

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publié le 18 mai 1999 à 0h59

Puisque l'extermination des juifs par les nazis est le centre de

gravité de Voyages, le si beau film d'Emmanuel Finkiel, et puisque ce film est une fiction, il permet de reposer la question de la représentation de ce qui n'est plus irreprésentable puisque, en cette fin de siècle, on a enregistré deux façons d'empoigner cinématographiquement la «solution finale». Une manière rare, frontale et documentaire où Nuit et brouillard d'Alain Resnais et Shoah de Claude Lanzmann restent insurpassables. Une façon plus nombreuse et nettement plus Shoah-biz où La vie est belle de Benigni ne vaut pas mieux que la Liste de Schindler de Spielberg, avec leur façon identique de faire fructifier le marketing de l'émotion et la publicité pour les sentiments. Roberto et Steven mériteraient la douce punition d'être ligotés devant une projection de Voyages. Pour qu'ils mesurent des yeux que le problème n'est pas celui de l'identification (qu'est-ce que ça voudrait dire, dans le fond, «s'identifier à la Shoah?») mais celui de la reconnaissance, à tous les sens du terme. Reconnaissance pour ceux qui ont survécu et dont la chair témoigne. Reconnaissance pour tous ceux qui, Finkiel compris, ont développé un devoir de mémoire. Mais aussi reconnaissance des spectateurs pour un film qui, loin de déchaîner le chantage aux Kleenex, fait confiance à l'intelligence, l'expérience, l'imagination et les sensations de ceux qui le regardent. Il y a des films fainéants qui aggravent la paresse. Il y a des films act