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Portrait

WERNER HERZOG. Cinéaste, auteur de «Mon ennemi intime».Werner à vif. Rencontre avec le jumeau «sous contrôle» de l'enragé Klaus Kinski.

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publié le 18 mai 1999 à 0h59

Werner Herzog fume des Marlboro rouges dont il jette les mégots sous

une table nappée de blanc. Le souffle lui manque et le sentiment d'oppression véhiculé par son débit asphyxié finit par gagner son interlocuteur. Il est habillé d'un costume crème et rasé de près, l'excitation lui met du rose aux joues, son regard perçant est d'une froideur émouvante. Il dit: «98% de ce que vous avez en face de vous est le produit d'une féroce discipline.»

Le cinéaste s'est assis à la table de ce restaurant de plage pour évoquer les accès de folie de Klaus Kinski, son «ennemi intime», mais il bifurque vite pour se pencher sur son propre cas. On lui soumet par exemple une phrase de l'acteur d'Aguirre dans son autobiographie (1): «Herzog était grisé par ses idées démentes.» Il se dérobe puis revient à la question quand on s'y attend le moins: «Le contrôle a toujours été un problème dans ma vie, dit-il. Comme Kinski, j'étais incapable de contenir ma rage, mais j'ai vite été confronté à la catastrophe. A 15-16 ans, j'ai attaqué mon frère avec un couteau. Depuis ce jour, je vis dans l'effort, je me soumets à une discipline rigoureuse pour maîtriser mes émotions.» Il raconte ainsi qu'au coeur de la jungle sud-américaine, lors des phénoménales disputes qui l'opposaient à son acteur fétiche, c'est ce sang-froid qui inquiétait les figurants indiens de Fitzcarraldo (1981). «Un jour, à la suite d'une interminable bagarre, ils se sont mis à murmurer entre eux, puis leur chef est venu me déclarer que mon