«On peut voir mon film comme un long travelling jusqu'au plan final
qui est celui de la halte», dit Jean-Claude Guiguet. Dans son quatrième long métrage, il promène ses Passagers dans le décor d'une ville imaginaire qui unit des quartiers de Strasbourg et de la banlieue nord parisienne.
«Je cherchais un lien narratif pour réunir les différents fragments de mon film et, lors d'un trajet sur la ligne Saint-Denis-Bobigny, j'ai eu l'idée du tramway. Il m'est apparu que c'était le lieu stratégique pour faire le chemin d'un certain nombre de destinées anonymes. Le travelling lui-même doit durer quarante minutes sur une heure et demie de film. Il donne le sentiment d'un mouvement perpétuel, mais il n'a de sens que parce qu'il s'arrête. On bouge pour conjurer la mort.
Ce qui me semble bizarre dans les films, c'est que le travelling n'a souvent aucun sens. On se dit "c'est du cinéma parce que ça bouge, et nombre de films fonctionnent sur l'agitation frénétique privée de toute nécessité. Les plans se tuent à force de se répéter, comme les adjectifs qui flottent à la queue d'un mot. Alors que chez Ophuls, par exemple, ça bouge tout le temps sans qu'on se demande jamais pourquoi. Le coeur du film passe par ce mouvement. J'espère qu'il en est de même dans les Passagers parce que je suis plutôt un adepte du plan fixe. Le travelling permet aux idées de circuler. Quand le film peut passer la ligne rouge, il le fait. Lors du monologue d'un voyageur sur la sexualité, par exemple, le tramway semb