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Libération
Interview

BRUNO DUMONT. cinéaste, auteur de «L'Humanité». «Le pire pour moi, ce serait l'indifférence. L'homme du Nord veut laisser le spectateur «se débrouiller» avec ses films.

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publié le 19 mai 1999 à 1h05

Deux ans après la Vie de Jésus, premier opus percutant qui lui avait

valu une mention spéciale à la Caméra d'or, Bruno Dumont, passé quadragénaire entre-temps, présente en compétition officielle l'Humanité, bloc de cinéma énigmatique qui justifie quelques explications. Comment est né «l'Humanité»?

Après la Vie de Jésus, je voulais sortir de la réalité. Je ne suis pas un cinéaste du réel, au contraire, j'aime la poésie, l'imaginaire. Cette fois, je souhaitais être plus clair dans mes intentions, c'est pourquoi j'ai choisi le cadre très académique du polar. Mais pour le faire exploser. Grâce au cinéma, franchir le pas poétique du sexe, du corps, des attouchements. Je comprends l'individu, pas le groupe. La dimension sociale m'échappe complètement. Pharaon est très simple. J'avais besoin d'un être à part, de quelqu'un «d'autre», pour repenser l'humanité. C'est un personnage que je pose d'emblée comme trop humain, mais qui nous pousse à nous réviser. Il modifie les autres. L'utilisation du Cinémascope vous paraît-elle refléter l'étirement du temps?

Je voulais me poser à l'extrême de ce qu'on est, dans le récit, dans les situations. M'exprimer par les flancs. Pharaon est le plus muet possible, il suinte quelque chose à partir de lui. Ce qui m'intéresse au cinéma, c'est le temps, c'est sur la longueur que le personnage se déploie. Le temps fait partie des écarts dans lesquels je me trouve. Quand je tourne, j'attends énormément, et cette attente est dans le film. Pharaon de Winter e