Par un après-midi où les bourrasques font plier de manière
intrigante les palmiers de la Croisette, les moines tibétains de la Coupe sont, comme prévu, l'objet de toutes les curiosités. Sur la pelouse du Grand Hôtel, les photographes suggèrent la pose: un ballon sur la tête, du vent dans les robes, une extension de gardien de but" Au coeur de l'action, Khyentse Norbu Rimpoche, dont «la réincarnation antérieure» était un des plus grands maîtres bouddhistes de ce siècle, ne se laisse pas gagner par l'excitation. Le football, qui est au centre de son premier film, ne le passionne pas plus que ça. Dans le montage très personnel de France-Italie qu'il intègre (en noir et blanc ralenti) à la Coupe, il a placé la fatidique séance des tirs au but au beau milieu du match et s'en amuse: «Je me suis documenté aussi sérieusement que possible. Mais ce qui m'intéressait, c'est la frénésie qui s'empare de la planète au moment de la Coupe du monde. Et bien sûr l'obsession des amateurs de football, qui n'est pas sans rappeler le rapport que j'entretiens au cinéma depuis la fin des années 70.»
«Une forme d'art pure». Khyentse Norbu Rimpoche parle du cinéma en termes de dépendance. Né en 1961, il l'a découvert aux abords de l'adolescence, quand il se déplaçait en Inde. De simples extraits de films diffusés dans les gares sur des écrans télé et dont il ne s'est pas remis. «Des garçons et des filles magnifiques, dit-il, le glamour hollywoodien, le grand cinéma commercial indien; ça me procurait u