On ne peut pas attendre d'un type surgissant en sabots de jardinier
dans un grand hôtel cannois qu'il ait la vie de monsieur tout le monde. De fait, l'Australien Chris Doyle, chef opérateur de Wong Kar Wai (entre autres) passé pour la première fois, avec Au bout des mots, à la réalisation, n'est pas n'importe qui. Son amour pour les couleurs saturées, les contrastes violents et la caméra à l'épaule, qui pourraient résumer grossièrement son style, sont aussi devenus la marque de fabrique des jeunes auteurs de Hong-kong. Mais aussi l'espèce d'énergie farouche qui guide sa manière de filmer et de sur-éclairer les scènes a fatalement attiré l'oeil d'Hollywood, qui a vite compris le parti qu'elle pouvait tirer de cette esthétique en prise directe avec l'effervescence formelle du rock, du clip, voire de la pub. L'an dernier, un CDD américain vite plié bien qu'agréable (surtout avec Gus Van Sant) lui a permis de vérifier que «les gens comme Scorsese ont trop de respect pour le cinéma».
Bougeotte. «Ma vie n'est qu'une succession d'accidents», raconte cet espèce de lutin en Yamamoto, jamais loin de surjouer une addiction manifeste au sexe et à l'alcool, visiblement mu dans la vie par le mouvement perpétuel qui speede sa caméra. Semble-t-il s'affaisser dans le fond d'un fauteuil? Une seconde plus tard, il s'en autopropulse dans un éclat de rire diabolique. La bougeotte est une vieille amie. Les dix-sept ans qu'il a passé à Sydney lui ont paru interminablement ennuyeux. Trop confortable