Le modeste bureau de la Liszt Academia de Budapest dans lequel
débarque Ivan Fischer, à une demi-heure de la répétition du concert qu'il doit donner avec le Budapest Festival Orchestra, fut d'abord orné d'une grande photo de Rakosi, le Staline hongrois: «J'ai tout vu ici, le sigle communiste, le drapeau"», lance le chef jovial. Fils de violoniste, compositeur et chef d'orchestre, le jeune Ivan Fischer étudie le violoncelle au Conservatoire Béla Bartók de 1965 à 1970, mais ses plus grandes émotions musicales lui viennent de l'Académie Liszt. Il se souvient du concert Bach du violoncelliste Pablo Casals, de Peter Pears chantant le Winterreise de Schubert accompagné au piano par Britten, ou de Stravinski en chef autour de1960. Pourquoi Fischer a-t-il étudié à Vienne? Il répond que la Hongrie communiste ne lui donnait qu'envie de «prendre la fuite».
D'abord remarqué en 1977, comme assistant de Nikolaus Harnoncourt (dont il a suivi les cours d'interprétation de musique baroque), c'est en 1983, avec l'aide du pianiste Zoltan Kocsis et du compositeur et chef Peter Eötvös, qu'Ivan Fischer fonde le Budapest Festival Orchestra. Avant même le premier concert, le débat fait rage dans un pays de grande tradition mélomane. Cet orchestre privé doit-il être subventionné? Peut-il débaucher les meilleurs musiciens des grandes formations d'Etat pour se constituer? Le succès coupe court à la question: les musiciens se voient offrir de meilleurs cachets à l'étranger et la décision est prise grâc