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Libération

Rushes : La star inconnue.

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publié le 21 mai 1999 à 1h07

A Cannes, les processus de starification de tout et n'importe quoi

se déchaînent. Le moindre vigile, pour peu qu'il ait son badge Canal + autour du cou, se prend au minimum pour un pote d'Eastwood, et les journalistes se battent aux entrées des fêtes pour un signe de complicité de l'attaché de presse qui trie dans la masse des anonymes pour ouvrir le saint des saints de la mondanité show-biz. Une limousine s'arrête, des gardes du corps à oreillette protègent un type à cheveux gris-blanc: «C'était qui?», s'exclame une fille. Son copain, hilare: «Je ne sais pas mais c'était lui!» Cannes fabrique de la distinction, de la notoriété plus ou moins fictive à tour de bras, à grands renforts d'espaces interdits, de listes mystérieuses rédigées par on ne sait quels comités pervers faisant et défaisant les privilèges. La ville, pendant dix jours, rappelle étrangement le village paranoïaque du Prisonnier, parcouru d'individus qui prient pour avoir un nom, n'être pas des numéros et détenir un bout de la baraka permettant de se prémunir de la grande masse molle d'indifférence qui pourrait bientôt les abolir.

Hier soir, un inconnu a traversé sans protection rapprochée ni caméra braquée ni la moindre cohue la fête donnée sur une plage cannoise après la projection du Ghost Dog de Jim Jarmusch. Un garçon noir portant une chemise à carreaux, des lunettes fines. Personne ne semblait le reconnaître et pourtant c'était bel et bien la seule vraie star des lieux, brassant des millions, tête pensante