Ce n'est plus un palmarès, c'est une bombe. Rarement le verdict d'un jury cannois aura soulevé une telle tempête de polémiques, dont les retombées n'ont probablement pas fini de faire des vagues. Cette fois, quelque chose d'effrayant a semble-t-il suinté de ce palmarès. Comme s'il s'agissait d'une lettre piégée, d'un complot diabolique ourdi par le turpide président Cronenberg avec l'assentiment, sinon la complicité, du florentin délégué Jacob. Ce crime inouï ils porte un nom. Le palmarès du Festival de Cannes 1999 n'est ni scandaleux, ni machiavélique ou inconséquent: il est original. Surtout, pour discutable qu'il soit dans ses détails (et le cinéma, c'est aussi fait pour discuter), il fait preuve d'une rare cohérence; il relève d'une «ligne politique». Celle-ci, de surcroît, est claire, pédagogique et respectable. Doit-on en déduire que c'est l'addition de ces qualités qui rend le palmarès de Cannes 1999 insupportable? Reprenons.
La tension monte, une houle se forme dans l'auditorium Lumière au moment de la remise des prix. En commençant par remettre son Prix du jury à Manoel de Oliveira pour La Lettre, l'aréopage réuni autour de Cronenberg lance un signal strident en faveur de l'un des artistes les plus exigeants et les mieux respectés du cinéma. Oliveira, venu à Cannes si souvent, n'y avait jamais rien gagné. Il faut donc lire cette distinction comme l'effet d'une justice bien comprise. La citation au tableau d'honneur, immédiatement après, d'Alexandre Sokourov pour le s